Cher toi,
Tu as très longtemps souffert de mon insouciance, de mon indifférence voire de ma colère.
Très longtemps, je t’ai oublié, je t’ai détesté et maltraité. Pourtant, tu as toujours été à mes côtés. Depuis le 1er battement de ton cœur qui a marqué le 1er jour de ton existence. Et tu seras à mes côtés jusqu’au dernier battement, qui marquera la fin d’une existence. Et peut-être le début d’une suivante.
Durant de nombreuses et longues années, j’ai cru connaître comment tu fonctionnais, j’ai envié d’autres corps qui ne te ressemblent pas et à qui tu ne ressembleras d’ailleurs jamais. J’ai espéré devenir une personne que je n’étais pas.
Toutes ces années durant lesquelles j’ai pensé être celle que tout le monde voit, j’ai admis que j’étais celle qu’on me disait d’être, que je me disais vouloir être.
Je t’ai fait endurer tellement d’aventures : parfois bonnes pour toi et parfois et essentiellement dévastatrices pour toi.
Au début, tu t’es tu. Tu as gentillement suivi mes instructions comme un bon élève. D’ailleurs, j’ai eu l’impression de mériter mon existence lorsque j’ai commencé à être cette bonne élève. Que tout le monde envie et qui me remplissait de satisfaction. Cette satisfaction d’être reconnue. Ah..Ce fichu égo.
Puis, de jour en jour, de mois en mois, d’années en années, tu t’es éteint doucement. Tu es toujours resté discret. Tellement discret que tu as sombré dans un profond et paisible repos alors que je continuais à te faire endurer des épreuves douloureuses.
Des épreuves de vie, on en a tous. Tu n’as rien d’extraordinaire, tu n’as absolument aucune raison de te plaindre. Tu as deux bras, deux jambes, tu as de bonnes notes et tu es entourée.
Qui donne le droit d’éprouver certaines émotions et certains sentiments ? Qui nous octroie ce droit ? De toute évidence, je ne t’ai jamais donné ce droit ni permis d’être ce que tu es et incarne profondément.
Jusqu’au jour de mon Éclosion.
Ce jour, ou plutôt cette période de vie qui m’a fait prendre conscience que tu souffrais depuis toutes ces années.
La compréhension du passé, l’accueil d’émotions qui étaient en moi depuis tant d’années et qui te noyaient, la sortie du déni et l’acceptation profonde et réelle de qui je suis, de qui tu es, toi, mon corps, mon esprit, mon être tout entier.
Je dois t’avouer une chose : j’ai lutté, j’ai secoué tout en moi, j’ai remué Ciel et Terre pour me défaire de toutes mes croyances, m’éloigner des pensées invasives d’autrui, des “on dit que”, des “tu es comme ci, tu es comme ça”, “tu dois faire ci, tu dois faire ça pour être heureuse, pour être quelqu’un de bien et reconnu par la société”.
Non, je ne suis pas que ça. Je ne suis pas ça. Je suis moi tout simplement et dans toute sa complexité. Et peut-être que tu ne connais qu’une partie de moi.
J’ai arrêté de dissimuler mon droit à l’existence derrière des étiquettes que l’on m’a mises et que je m’étais d’ailleurs et surtout mises toute seule. Car finalement, j’ai aussi pris conscience que l’image que l’on avait de moi était tout simplement l’image que je renvoyais et que j’avais moi-même façonnée pour me protéger et me donner le droit d’exister.
J’ai appris à ne plus dépendre d’autrui et à ne plus mettre la faute sur l’extérieur. J’ai pris conscience que j’étais la responsable. Et dès cet instant, je n’ai pas ressenti de culpabilité envers moi-même mais au contraire du pouvoir. Le pouvoir de me permettre enfin d’être vraiment qui je suis et qui je veux être au plus profond de moi. Devenir actrice de ma vie et non plus une marionnette. Une profonde liberté bien loin de celle que j’imaginais il y a encore quelques mois à peine.
Alors oui ça bouscule et ça bousculera tout le temps car j’ai aussi appris que je n’étais qu’évolution.
Et tu m’as remercié, un beau jour, en te réveillant de ton profond repos.
Je sais à quel point tu as été profondément touché et impacté par toutes mes décisions. Et je te demande pardon. Je sais que tu as besoin de temps. Et du temps à te consacrer j’en ai davantage qu’avant car je souhaite t’en donner.
Merci d’avoir été patient pendant toutes ces années. D’avoir cru en moi et en mes capacités d’éveil. C’est la plus belle preuve d’amour que tu aurais pu me donner.
Tu as marqué le point final, ou le commencement, de mon Éclosion.
À toi, cher corps, cher être, que j’aime tant.
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